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2022Techno – L’hydrogène, l’électrique du futur ?
Par la voix du président de la République lui-même, la France annonce miser sur l’hydrogène pour accélérer sa transition énergétique, y compris en matière de mobilité. Nouvelle lubie ou idée de génie ?Mais qu’il garde aussi encore en mémoire ses années collège et ses fascinantes expériences de physique-chimie. Dont celle qui lui apprit, comme à nous tous, qu’il suffit de faire passer un courant électrique dans de l’eau (H2O) pour obtenir d’un côté, de l’oxygène (O2), et surtout de l’autre, de l’hydrogène (H2).Dans tous les cas, à l’annonce d’un vaste plan d’investissement de 30 milliards d’euros sous les dorures de l’Elysée à l’automne dernier, le chef de l’Etat semblait ne pas avoir de doute sur le fait que la France pourrait, grâce à ce procédé assez simpliste en apparence, devenir d’ici à 2030, un pays leader de la production d’hydrogène “vert”, issu d’énergies renouvelables.
Et que cette molécule serait ainsi l’une des clés permettant de décarbonner notre industrie et nos transports.Pourquoi pas. Car selon le processus inverse à la fameuse électrolyse de l’eau énoncé plus haut, il suffit de combiner cet hydrogène à l’oxygène de l’air pour cette fois obtenir de l’électricité.
Le seul résidu obtenu au cours de l’opération n’est que de l’eau.C’est en substance en quoi consiste la pile à combustible sur laquelle misent, avec plus ou moins de prudence, certains constructeurs comme Toyota, Hyundai ou encore BMW pour tourner la page du moteur à combustion interne.
En un sens, la Mirai, le Nexo ou l’imminent iX5 Hydrogen ne sont que des voitures électriques qui ne disent pas leur nom.
Certains se demanderont alors à quoi bon se compliquer la vie et s’échiner à convertir de l’électricité en un carburant soi-disant prometteur si c’est dans le but, au final, d’alimenter des véhicules à moteurs… électriques. Leur perplexité se comprend très bien, d’autant que chaque étape de transformation induit nécessairement des pertes énergétiques.Mais par certains aspects, le jeu en vaudrait largement la chandelle. Bien que d’une faible densité qui contraint à fortement le compresser, l’hydrogène se stocke plus facilement que l’électricité en elle-même. Chacun connaît les faiblesses des batteries automobiles actuelles qui ont une fâcheuse tendance à l’auto-décharge et au vieillissement prématuré en cas de mauvaise utilisation.Malgré d’énormes progrès accomplis ces dernières années, ces mêmes “piles” voient leurs performances se dégrader au gré des températures, qu’elles soient trop chaudes ou trop froides, au détriment de l’autonomie.
Emmagasiner de l’énergie sous la forme d’un gaz serait aussi moins onéreux que de retenir des électrons au sein de cellules chimiques. Car un, voire deux réservoirs, aussi renforcés soient-ils pour supporter une pression d’environ 700 bars, devraient à terme permettre une franche réduction des coûts face à l’emploi d’un pack lithium-ion de plusieurs quintaux. Sans parler de l’économie de poids qu’une telle solution représente, au bénéfice d’une moindre consommation.Pour ne rien gâcher, alors que la voiture à batterie impose encore souvent de prendre son mal en patience à la borne lors de sa recharge, une poignée de minutes suffit à faire le plein d’hydrogène et à recouvrer plusieurs centaines de kilomètres d’autonomie.Encore faut-il mettre la main sur une station qui en propose. Pour le moment, il n’en existe qu’une petite cinquantaine sur notre territoire. Une goutte d’eau…Il faut dire que l’hydrogène est aujourd’hui insuffisamment produit pour se poser comme une réelle alternative au sans-plomb, au gazole et même à l’électricité. Pire, il n’a même pas grand-chose de vertueux, plus de 90 % de la production hexagonale étant à ce jour issue d’énergies fossiles car la solution électrolytique, se basant sur l’éolien ou le solaire, reste deux à trois plus coûteuse que les méthodes favorisées par l’industrie jusqu’ici.Une fois ce premier défi de la “fabrication” relevé, se posera alors la question de faire parvenir ce carburant jusqu’aux réservoirs de nos véhicules. Il faut alors distinguer le transport de la distribution.Le premier ne devrait exiger qu’un investissement raisonnable puisqu’en Europe, 80 % des pipelines de gaz existants pourraient être assez facilement adaptés à l’acheminement de l’hydrogène. La seconde en revanche se montre beaucoup plus problématique. Inutile d’espérer voir nos stations-service existantes se convertir une à une. Ces travaux faramineux auraient un coût beaucoup trop lourd.
C’est pourquoi, de l’aveu même des représentants du secteur, l’hydrogène limiterait son déploiement, au moins à moyen terme, à un périmètre industriel : zones portuaires, aéroports, centres logistiques, usines…Plus que la voiture particulière, ce sont plutôt les engins lourds (camions, bus, chariots-élévateurs, trains…) aux circuits bien définis et de passage régulier par leur base qui devraient les premiers se tourner vers cette technologie. Ce qui conforte une fois de plus dans l’idée que les différents modes de propulsion qui nous sont exposés depuis ces dernières années sont tous complémentaires les uns des autres et que leur pertinence dépend essentiellement de leur usage. L’hydrogène ne devrait pas faire exception, n’en déplaise à Monsieur le Président.